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Par Moushumi Chaudhury, World Resources Institute
L’Afrique abrite un nombre croissant d’entrepreneurs pour qui l'agriculture et l'exploitation forestière durables constituent des opportunités pour les entreprises. C’est le moment opportun pour investir dans des projets basés sur la nature, en partie du fait que les États africains se sont engagés à réhabiliter 100 millions d’hectares (247 millions d’acres) des terres dégradées d’ici à 2030. La réhabilitation des terres avec certains types d’arbres, de cultures et d’herbes peut faciliter l’amélioration de la productivité des sols, ainsi que les services d’écosystème, tels que la gestion des ressources en eau et l’absorption du carbone.
Toutefois, c’est également le moment d’accroître les risques climatiques. Vers la fin de l'année dernière, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat a publié un rapport spécial décrivant l’intensification des nombreux effets d’une hausse de la température mondiale de 1,5 degrés C (2,7 degrés F) et de 2 degrés C (3,6 degrés F). Indépendamment du fait de savoir si et dans quelles proportions les émissions des gaz à effet de serre sont finalement réduites, les petites et moyennes entreprises en Afrique ressentent déjà ces effets. Ils essayent de développer leurs entreprises tout en faisant face aux risques liés au climat, par exemple, la hausse des températures et, plus souvent, les épisodes de sécheresse et d'inondation plus intenses.
Le mois dernier à Nairobi, le WRI et Fledge, un réseau mondial d’accélérateurs d’entreprises et de fonds d’investissement, ont organisé une rencontre consacrée à la réhabilitation des terres, le Land Accelerator, qui met l’accent sur le développement des entreprises impliquées dans la réhabilitation des terres. Après avoir présidé une séance sur les risques climatiques auxquels font face les entreprises en Afrique, j’ai tenu une réunion avec deux des entreprises participantes afin de mieux comprendre comment elles font pour s’adapter au changement du climat.
Le reboisement et la diversification des cultures permettent de protéger les champs contre les phénomènes météorologiques extrêmes
Aoulaye Sesame, entreprise qui cultive du sésame blanc au Niger, a aidé à réhabiliter 100 hectares (247 acres) de terres arides et dégradées en plantant des arbres à côté du sésame. Le directeur de l’entreprise, Mamadou Ousseini, indique que les arbres retiennent l’eau autour des cultures et maintiennent la ferme verte, ce qui permet également de s’adapter à l’accentuation de la sécheresse. Toutefois, Mamadou n’était pas préparé aux inondations et aux pluies intenses qu’a connues le Niger au cours des dernières années.
Les inondations et les fortes pluies sont inhabituelles au Niger, où le désert du Sahara compose les deux tiers du pays. Les plantes de sésame de la ferme ont survécu jusqu’ici à une forte pluviométrie. Mais Mamadou sait qu’il faut se fier davantage à la diversification des cultures qu’à la chance. L’entreprise envisage désormais de planter plus de plantes qui tolèrent l’eau, telles que le manioc, sur certaines de ses terres. De cette manière, si la culture de sésame, activité principale de Mamadou, ne survit pas une année, il pourrait toujours récolter du manioc. La diversification des cultures permet aux entreprises, telles que Aoulaye Sesame, de poursuivre leurs activités en faisant face aux incertitudes de la pluviométrie qu’engendrent les changements climatiques.
Les variétés de cultures permettent aux agriculteurs de s’adapter à la sécheresse
De l’autre côté du continent en Éthiopie, Eden Field Agri-Seed Enterprise fournit des graines d’herbes et des semences forestières qui résistent à la sécheresse. Yirsaw Wubete Ayele, responsable technique de l’entreprise, met des semences à la disposition des communautés d’éleveurs et d’agriculteurs afin que celles-ci réhabilitent les terres dégradées et les utilisent comme aliments pour bétail.
Comme Aoulaye Sesame, Eden Field cherchent les moyens de faire face à la sécheresse, un risque récurrent qui s’accroît pour les hautes terres arides d’Éthiopie. Afin de permettre aux clients de lutter contre la sécheresse, Eden Field a commencé à se spécialiser dans des variétés d’herbes peu sensibles, telles que le sorgho du Soudan. L’entreprise agit maintenant comme courtier, achetant des semences résistantes à la sécheresse auprès de l’Institut éthiopien de recherche agricole et de l'institut international de recherche sur l'élevage, pour les vendre aux 2 500 agriculteurs et éleveurs de la région.
Ces herbes résistantes aident non seulement à réhabiliter les terres de pâturage, mais également à améliorer les matières premières d'alimentation tout en permettant au bétail de prospérer, ce qui permet d’assurer la protection des sources de revenus et la sécurité alimentaire dans un contexte de changements climatiques.
L’assistance apportée aux petites entreprises aide les communautés à s’adapter aux changements climatiques
Bien que des entreprises, telles que Aoulaye Sesame et Eden Field Agri-Seed Enterprise sont menacées par les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur, ces dernières trouvent des moyens innovants pour limiter les risques climatiques.
De nombreuses populations en Afrique dépendent des petites entreprises, comme celles-ci, pour leur survie et pour leur sécurité alimentaire. En apportant un appui à ces entrepreneurs tenaces, les États, les ONG et les grandes entreprises agroalimentaires peuvent aider les communautés rurales africaines à prospérer à l’avenir.
Par exemple, les institutions agricoles publiques pourraient conjuguer leurs efforts avec les organismes de développement pour permettre aux entreprises d’accéder aux prévisions météorologiques afin de mieux se préparer aux phénomènes météorologiques extrêmes. À Chiredzi au Zimbabwe, les agriculteurs et les petites entreprises agroalimentaires ont fourni des efforts par le passé pour tenir compte des variations extrêmes de la pluviométrie. Pour faire face à cette situation, l’organisme zimbabwéen en charge de la gestion environnementale, avec le concours du programme de développement des Nations Unies, a mis sur pied une prévision météo personnalisée au profit des agriculteurs et des petites entreprises établis à Chiredzi.
Les entreprises plus importantes, notamment les multinationales, comptent souvent sur les petites entreprises dans le cadre de leurs chaînes d'approvisionnement. Afin de mieux pérenniser leurs propres activités, ces entreprises peuvent investir dans l’assistance technique et financière de leurs fournisseurs locaux. En Ouganda, Café Direct soutient les agriculteurs qui cultivent du thé au profit de l’entreprise en faisant la promotion des variétés de thé résistantes aux maladies, en plantant des arbres pour améliorer la productivité des sols et en installant des réservoirs d’eau pour recueillir de l’eau de pluie. Au Kenya et dans d’autres parties de l’Afrique, Unilever investit également dans les plantes de thé qui sont résistantes aux maladies et à la sécheresse. Ces mesures d’adaptation aident les entreprises et les travailleurs tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
Des programmes de formation spécialisés, tels que le récent projet Accélérateur des terres, peuvent contribuer à aider davantage les petites entreprises à intégrer l’adaptation à leurs plans d’activité, afin qu'elles puissent renforcer leur résilience face à l'augmentation des bouleversements climatiques pour elles-mêmes et pour les communautés qu'elles soutiennent.