À l’origine, cet article a été publié en anglais sur WRI Insights ici.
En 2013, Samuel Rigu était à la recherche d’un nouveau défi. Ayant grandi au sein d’une famille de paysans Kenyans, il savait que les plantations de son village dépendaient d’engrais synthétiques. Sur un continent où la dégradation des terres a poussé des millions de personnes à quitter leurs villages pour s’installer en ville, l’engrais est souvent incontournable pour les paysans. Cependant, les fermiers africains payent deux à six fois le prix moyen mondial des engrais en raison d’une forte dépendance par rapport aux importations, conjuguée à des coûts de transport élevés et à une absence de fournisseurs dans les zones rurales. Rigu voulait changer cette situation.
À cette époque, il rencontra Kevin Kung, un étudiant en doctorat au Massachusetts Institute of Technology (institut de technologie du Massachusetts) qui était au Kenya pour travailler sur sa thèse portant sur le thème de l’énergie alternative. Ensemble, ils ont fondé conjointement Safi Organics en 2015, une entreprise qui décentralise la production des engrais en les fabricant au niveau du village, ce qui permet d’éviter ainsi les frais de transport et les taxes à l’importation. Safi Organics convertit les résidus de la récolte des paysans en engrais organique en chauffant la biomasse à des températures élevées pour créer une substance riche en carbone qu’ils mélangent ensuite avec d’autres éléments fertilisants pour produire l’engrais Safi Sarvi.
Selon l’entreprise, son engrais permet aux petits paysans d’augmenter les rendements dans une proportion pouvant atteindre 30 pour cent grâce à l’amélioration de la qualité du sol. Pour chaque hectare fertilisé, Safi Sarvi piégeait également 1,7 tonnes de gaz à effet de serre provenant de l’atmosphère en renforçant la matière organique dans le sol. L’entreprise a obtenu une subvention de 25 000 $ grâce à un concours « Startupper de l'année » organisé par Total Kenya et fait actuellement 40 000 $ de chiffres d’affaires annuels issu d’un projet pilote qui permet de produire 2,5 tonnes d’engrais par jour. Elle compte plus de 2 500 clients.
La réhabilitation des terres dégradées offre une nouvelle vie aux communautés rurales
Le travail de Rigu permet aux paysans de rester sur leurs terres, ce qui permet de juguler la migration vers les villes. Si l’exode rural est une tendance mondiale, le changement le plus significatif a eu lieu en Afrique dont la population urbaine est passée de 14 pour cent en 1950 à plus de 40 pour cent en 2015. Alors qu'une plus grande disponibilité d’emplois dans les villes a été le moteur de cet exode rural, la dégradation des terres a également été à l’origine de la migration des populations toujours plus nombreuses vers les villes.
« Les grands entrepreneurs voient une opportunité dans les situations où d’autres personnes ne voient rien », a affirmé Rigu. « De nombreux besoins éprouvés par les paysans ne sont pas bien couverts. Un engrais organique qui régénère leur sol et permet de mettre davantage de nourriture sur leur table est l’un d’eux. »
Les startups locales réhabilitent les terres, aident les paysans et créent des emplois
Safi Organics est l’une des 12 entreprises africaines qui participent au projet Land Accelerator du WRI, le premier accélérateur de startup au monde à mettre l’accent sur les sociétés qui réhabilitent les forêts et les terres cultivables, de l’amélioration de la santé des sols à la plantation d’arbres à l’optimisation des récoltes.
Le programme inaugural aura lieu à Nairobi au Kenya du 3 au 6 décembre 2018. 245 entreprises ont présenté une demande, ce qui montre que des centaines d’entreprises de réhabilitation ont un énorme besoin non satisfait d’assistance. Le WRI a conclu un partenariat avec Fledge, un réseau d’accélérateurs de startup axé sur l'impact, pour créer un programme spécifique à la réhabilitation. L’accélérateur assurera une formation dans trois domaines : l’essentiel de l'entreprise comme la modélisation financière, les sujets techniques, tels que la gestion des pépinières, et les compétences en matière de communication comme développer une présentation d’investissement.
Asili Natural Oils est une autre startup spécialisée dans la réhabilitation et qui a rejoint le projet Accélérateur de la réhabilitation des terres. Fondée en 2013 au Rwanda, Asili est une entreprise sociale qui produit des huiles cosmétiques en pressant à froid les graines des moringas. En travaillant avec les petits exploitants agricoles, Asili a récemment planté 100 000 moringas dans les zones rurales les plus touchées par la sécheresse au Rwanda. L’entreprise a créé plus de 40 emplois à plein temps et 750 postes saisonniers. Elle a également mis en relation 2 137 petits exploitants agricoles avec les marchés internationaux de grande valeur de l'industrie des cosmétiques et des soins personnels. L’entreprise a conclu un accord de commerce équitable avec Body Shop International, ainsi qu’avec d’autres clients dans le monde entier.
« Nous faisons profiter ceux qui en ont le plus besoin : les petits exploitants agricoles rwandais », a déclaré Theo Hakizimana, directeur général d’Asili. « Nous créons une opportunité pas uniquement pour notre entreprise, mais pour toute la communauté. S’il y avait d’autres entreprises comme la nôtre, davantage de jeunes gens resteraient assurément dans leurs villages tout en se libérant du joug de la pauvreté ».
La réhabilitation des terres et la croissance économique vont de pair
Pour ces entreprises, le résultat est le début de l’histoire, pas la fin. En réhabilitant les terres, ces entrepreneurs non seulement créent des emplois au niveau local en répondant aux besoins des agriculteurs, mais elles contribuent également à la sécurité alimentaire et de l’approvisionnement en eau. Et en piégeant le carbone dans les plantes et le sol, les entreprises comme Asili Oils et Safi Organics luttent de manière significative contre les changements climatiques.
Elles jouent également un rôle prépondérant dans un mouvement régional et international plus important. Les pays africains se sont engagés à réhabiliter 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030 dans le cadre de l’initiative AFR100 dont le WRI est un associé gérant. Les recherches montrent que le fait de stopper la déforestation pourrait stimuler l’économie mondiale dans une proportion allant jusqu'à 80 milliards de dollars US tout en rendant les pays plus résilients dans un contexte de changements climatiques. Le développement au niveau mondial d’une alimentation durable et des modèles commerciaux durables en matière d’utilisation des terres pourraient rapporter jusqu’à 2,3 trillions de dollars US et permettre de créer plus de 70 millions d’emplois d’ici 2030.
De plus amples informations sur l’accélérateur de la réhabilitation des terres sont disponibles ici.